Ça y est, tu as accompli ta tâche, tu as réalisé les activités que tu avais soigneusement préparées. Vient maintenant le moment de prendre un peu de recul. Comment savoir si tu as « réussi » ? Comment savoir si tu as progressé ? Si la tâche t’a servi à quelque chose ? Je te propose d’explorer 9 techniques d’autoévaluation qui vont te permettre de juger la tâche que tu viens d’achever.
Voici donc 9 procédés que tu peux utiliser pour évaluer la tâche accomplie :
- Dépasser la peur de faire une erreur
- Faire attention aux distorsions cognitives
- Voir si l’objectif est atteint
- Tenir un journal de bord
- S’enregistrer
- Etre attentif aux retours
- Se préparer un test
- Se donner une note
- Refaire la tâche
Mais avant de regarder ces techniques d’autoévaluation dans le détail, demandons-nous d’abord à quoi ça sert d’évaluer la tâche.
Pourquoi utiliser des techniques d'autoévaluation pour évaluer la tâche ?
L’évaluation est une étape absolument essentielle dans l’apprentissage. Elle permet de :
- prendre conscience de tes forces et faiblesses,
- remarquer ta progression et le chemin que tu as parcouru,
- stimuler ta motivation,
- réévaluer tes objectifs en cours de route,
- déterminer si la tâche t’a été utile.
Parce qu’après tout, les objectifs peuvent changer … Il est tout à fait naturel que les objectifs évoluent au fur et à mesure. Plus tu progresses, plus tes connaissances augmentent, et plus tu auras de nouvelles idées.
Beaucoup de personnes, apprenants comme enseignants, évitent cette phase d’évaluation, ou passent rapidement dessus. Parce qu’elles la trouvent désagréable. En effet, cela nous met face à nos erreurs, à nos ratés, à notre « incompétence ». Et pourtant, il est nécessaire de faire des erreurs pour progresser !
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Difficulté additionnelle : il s’agit de s’auto-évaluer. Tu te te demandes s’il est possible d’évaluer ses propres compétences de manière réaliste ?
Voyons ce que nous dit le Guide pour les utilisateurs du CECRL :
« Des recherches ont montré que les apprenants pouvaient être, à cet égard, d'aussi bons juges que leurs professeurs, à condition que (i) les niveaux de compétences soient clairement définis; (ii) l'évaluation soit liée à une tâche définie (même si c'est un examen de type formel); (iii) les apprenants aient été entraînés à s'auto évaluer. »
Les niveaux de compétences sont-ils clairement définis ?
Connais-tu les différents niveaux de compétences ? Si tu as lu et suivi les conseils de l’article Comment évaluer mon niveau ?, alors tu devrais avoir une bonne idée des différents niveaux. Tu peux aussi jeter un oeil à l’article C’est quoi le CECRL ? qui t’en donnera une vue d’ensemble.
L’évaluation est-elle liée à une tâche définie ?
Oui ! Puisque nous parlons ici d’évaluer la réussite d’une tâche précise.
Es-tu entraîné à l’autoévaluation ?
C’est à cela que sert cet article ! Et plus tu pratiqueras l’autoévaluation, plus tu seras entraîné.e 😉
Passons maintenant aux 9 techniques d’autoévaluation.
1. Dépasser la peur de faire une erreur
Je l’ai déjà dit, je ne compte plus le nombre de fois que mes étudiants m’ont dit « je suis désolé, je ne parle pas bien ». Ils prennent des cours de français, et ils s’excusent de ne pas bien parler ! Sur le coup, ça parait un peu absurde. Mais quand on prend du recul, on se rend compte que dire cela est tout à fait logique.

On l’a déjà vu plus haut, on a tendance à éviter d’être mis face à nos fautes, nos manques. C’est comme si, en nous évaluant, on allait devoir admettre une faille de notre personnalité, une remise en question de notre être. Or pour apprendre, il est essentiel et nécessaire de faire des fautes. Cette idée est difficile à accepter, non ? Pour ceux d’entre nous qui sommes perfectionnistes, c’est une aberration !
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« La notion que « le bon apprenant » ne fait jamais d'erreurs est fausse: un « bon apprenant » est un apprenant qui sait repérer ce qu'il ne sait pas bien faire à un moment donné et qui se sert de cette évaluation pour avancer, pour savoir ce qu'il lui reste à apprendre. »
2. Faire attention aux distorsion cognitives
As-tu déjà entendu parler des distorsions cognitives ? Face au nombre hallucinant d’informations que notre cerveau reçoit chaque jour, celui-ci a mis en place des procédés pour évaluer et traiter toutes ces informations. Seulement voilà … souvent, les informations sont interprétées de manière inexacte. Voyons quelques exemples.
a. Avoir une pensée dichotomique ou une pensée en noir ou blanc
« J’ai fait des erreurs, donc ma performance est ratée ». C’est oublier tout ce qui a été fait qui était exact, inspiré, original, …
b. Prédire le futur ou catastropher
« Je vais parler français et personne ne va me comprendre ». Personne, vraiment ? Et n’existe-t-il pas des manières d’améliorer la probabilité qu’on te comprenne très bien ?
c. Minimiser le positif et/ou maximiser le négatif
« Oui, j’ai conversé en français, et j’ai obtenu les informations que je voulais. Mais j’ai fait tellement de fautes, et il m’a demandé de répéter plusieurs fois ». Et pourtant, tu as obtenu les informations. La tâche est réussie, non ?
d. Raisonner émotionnellement
« Je me sens ridicule quand je parle en français, donc je suis ridicule. » As-tu déjà fait un petit sondage autour de toi pour voir si les gens te trouvent réellement ridicule ? Tu serais surpris.e du résultat !
e. Attacher un label
« J’ai toujours été nul.le en français. » Est-ce une fatalité ? Une situation qui ne peut pas être changée ? D’ailleurs, qu’est-ce que ça veut dire être « nul en français » ? Parler une langue étrangère fait appel à tellement de compétences différentes que tu ne peux pas être « nul » dans toutes ces compétences … Il y en a forcément quelques unes qui sont tes points forts …
f. Surgénéraliser
« Je fais toujours cette faute. Je n’arrive jamais à prononcer ce mot. Personne ne me comprend quand je parle. Je ne comprends rien à cette vidéo. » Si tu y réfléchis un petit peu, les phrases qui contiennent des mots de la totalité, comme « toujours, jamais, rien, personne » sont rarement exactes. On peut (presque) toujours trouver des exemples qui viennent les contredire 😉
g. Personnaliser
« Elle n’a pas fait attention pendant que je parlais, donc ce que je disais n’était pas intéressant ». Ou alors … Elle a mal dormi la nuit précédente et elle a du mal à se concentrer. Tu as dit un mot qui lui a fait penser qu’elle a oublié quelque chose. Elle réfléchit à ce qu’elle va te répondre. Les explications possibles sont nombreuses.
h. Dire "je devrais, il faudrait, c’est obligé"
Je me fais une idée précise de comment les choses devraient être. Et si elles ne sont pas comme cela, c’est inacceptable ou catastrophique ou sans espoir.
i. Se comparer aux autres
« Il parle tellement mieux que moi ». Et du coup, cela te bloque, tu n’arrives plus à oser parler …
Nous sommes tous victimes des distorsions cognitives, c’est comme cela que notre cerveau fonctionne. Mais ce n’est pas une fatalité, on peut les réduire en
- étant conscient.e de leur existence,
- trouvant des « preuves » du contraire.
3. Voir si l’objectif est atteint

Voilà LA technique d’autoévaluation de base : voir si ton objectif est réussi. Quel était l’objectif derrière la tâche ? Cet objectif a-t-il été atteint ? De quelle manière ? Est-ce que tu as rencontré des difficultés ? Décris-les.
Est-ce que la tâche est réussie, c’est-à-dire est-ce que tu as réussi à faire ce que tu voulais faire ? Quel est ton degré de satisfaction ? Quels sont les éléments que tu maitrises ? Quels sont ceux sur lesquels tu as encore besoin de travailler ? Répondre à ces questions te permettra de :
- voir où se situent tes forces et faiblesses,
- recalibrer tes objectifs,
- concevoir la prochaine tâche avec une meilleure idée de tes besoins.
4. Tenir un journal de bord
Pour pouvoir mesurer ta progression, tiens un journal de bord où tu indiqueras :
- l’objectif de la tâche,
- une note entre 1 et 10 qui évalue ta compétence avant le début de la tâche,
- tes impressions, sentiments, pensées, doutes et réussites pendant le déroulement de la tâche,
- les problèmes que tu as rencontrés et si tu as trouvé une solution,
- une note entre 1 et 10 qui évalue ta compétence après la réalisation de la tâche.
Relis ce journal régulièrement pour juger de l’efficacité de ton travail.
5. S’enregistrer
Voilà un exercice qui risque de faire grimacer ! Je sais, moi non plus je n’aime pas m’écouter, c’est un exercice peu naturel auquel on n’est pas habitué. Mais quand on a passé la sensation étrange de s’entendre parler, s’enregistrer et s’écouter devient l’une des techniques d’autoévaluation les plus efficaces et un outil indispensable pour prendre conscience de sa progression. Quand tu écoutes l’enregistrement, fais attention aux éléments suivants :
- le rythme (pas trop lent, pas trop rapide),
- la prosodie (toujours accentuer en fin de mot, de groupe de sens, ou fin de phrase),
- la prononciation (peut-on te comprendre),
- la diction (est-ce que tu prends le temps d’articuler),
- la respiration (respires-tu aux bons endroits : après un groupe de sens ou en fin de phrase).
Bien-sûr, il est très difficile, voire impossible, de faire attention à toutes ces choses quand on parle ! C’est pour cela que s’enregistrer est très utile. En t’écoutant, tu vas remarquer des choses à améliorer, et tu vas automatiquement modifier ta façon de parler la prochaine fois. Pas besoin de trop réfléchir !
6. Etre attentif aux retours
On n’y pense pas nécessairement, mais le fait de tenir compte des réactions de son interlocuteur est l’une des techniques d’autoévaluation. Si tu as eu une interaction avec quelqu’un, tu peux te rappeler de la conversation et te demander :
- Est-ce que j’ai dû me répéter ? A quel(s) moment(s) ? Pour quelle(s) raison(s) ?
- Comment mon interlocuteur a-t-il réagi à ce que j’ai dit (n’oublie pas les distorsions cognitives) ? A-t-il fait des critiques, des corrections, des commentaires ?
- Tu peux aussi demander un retour (feedback) à ton interlocuteur. Et note tes observations et les commentaires de la personne.
7. Se préparer un test
Tu peux aussi décider de te tester. Et ce test va entièrement dépendre de la nature de la tâche que tu auras choisie. Demande-toi comment tu peux tester la réussite de la tâche avant même de la commencer.
« Le principe de base concernant cet entraînement à l'auto-évaluation consiste à comparer ce que l’on croit pouvoir faire avec ce que l’on fait réellement. »
8. Se donner une note
Les activités les plus faciles à évaluer sont les exercices de grammaire et de vocabulaire. Tu peux faire ces exercices autocorrectifs en ligne, il en existe des flopées (comme par exemple la base de donnée Le Point du FLE). Ou tu peux te créer tes propres exercices, le but étant de compter tes points à la fin et de te donner une note.
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Comment travailler la grammaire ? (à venir)
Comment pratiquer le vocabulaire ? (à venir)
9. Refaire la tâche
Cette technique est d’autant plus efficace si tu as d’abord répondu aux questions du point 3 (voir si l’objectif est atteint). Tu peux ensuite choisir de refaire la tâche, telle quelle, ou en la modifiant un peu pour qu’elle corresponde mieux à tes besoins. La deuxième tentative est-elle plus ou moins difficile ? Pourquoi ? Sur quels aspects ?
Ou alors tu peux choisir de refaire la tâche, simplement parce que ça te fait plaisir ! N’oublie pas de toujours rester au plus proche de tes besoins et de tes envies 😉

Voilà différentes manières de t’autoévaluer. Choisis la technique en fonction de la tâche choisie, la technique qui selon toi va le mieux te permettre d’en apprécier la réussite.
Laquelle des techniques d’autoévaluation as-tu choisie ? Quelles sont tes conclusions ? Raconte-nous dans les commentaires 💬