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C’est quoi le cecrl ?

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Peut-être as-tu déjà rencontré ce sigle et que tu n’as jamais eu l’occasion d’en savoir plus … Alors voilà l’occasion ! Le CECR, ou CECRL (ou même CEC) est un document de travail publié par le Conseil de l’Europe. Son nom complet ? Cadre européen commun de référence pour les langues : apprendre, enseigner, évaluer. Depuis sa publication en 2001, il est devenu le document de référence pour la majorité de ceux qui s’investissent de près ou de loin dans l’acquisition et l’apprentissage des langues étrangères en Europe.

Ce document, long d’environ 200 pages A4, est relativement dense et technique. Il propose des concepts, offre des pistes de réflexion, suggère des processus pour la conception de curriculums, de cours de langue et de certifications et d’examens. C’est juste pour les professeurs, penses-tu ? Et bien non, ce document est rempli de trucs et astuces incontournables pour toi, qui souhaites élaborer ton propre itinéraire pour apprendre le français comme langue étrangère. Tu peux d’ailleurs obtenir le CECRL gratuitement sur internet : en cliquant ici (dans la colonne de droite), et/ou tu peux lire la synthèse qui va suivre. Voici ce qui va nous intéresser tout particulièrement :

  • La répartition de la progression de l’apprentissage en six niveaux (A1, A2, B1, B2, C1, C2),
  • Le détail des différentes compétences à acquérir pour la maîtrise d’une langue étrangère,
  • L’approche actionnelle comme méthode d’apprentissage,
  • L’évaluation des progrès.

 

Le grand avantage du CECRL, c’est qu’il permet d’harmoniser l’enseignement des langues en Europe. Si j’apprends le grec au niveau A2 en habitant en Suède, cela veut dire la même chose que si j’apprends l’allemand au niveau A2 en Espagne. C’est-à-dire que j’apprends à développer les mêmes compétences. Comme par exemple lire et réaliser une recette de cuisine, ou demander des directions pour se déplacer dans une ville.

Pour la petite histoire

En 1954, les membres du Conseil de l’Europe signent une « convention culturelle » destinée à favoriser la communication entre les citoyens de ses différents membres. L’article 2 précise que « chaque Partie contractante, dans la mesure du possible encouragera chez ses nationaux l’étude des langues, de l’histoire et de la civilisation des autres Parties contractantes, et offrira à ces dernières sur son territoire des facilités en vue de développer semblables étude ». Ainsi, dès les années 60, les pays européens réfléchissent à une manière d’enseigner les langues orientée vers la communication.

Les recherches ont évolué, se sont précisées, puis c’est au début des années 90 que l’idée d’un cadre commun a été émise pour la première fois lors du Symposium Transparence et cohérence dans l’apprentissage des langues en Europe. Objectifs, évaluation, certification à Rüschlikon en Suisse. Au long des années 90, le Cadre a été testé, révisé, analysé par des acteurs de terrain. Finalement, en 2001, le Conseil de l’Europe publiait le Cadre européen commun de référence pour les langues : apprendre, enseigner, évaluer, appelé CECRL ou CECR. En 2018, le Conseil de l’Europe publie un volume complémentaire pour actualiser la liste des descripteurs de compétences.

Les niveaux

Les différents niveaux sont donc au nombre de six, et représentent l’évolution de l’apprentissage que l’on appelait souvent par le passé niveaux « débutant, intermédiaire et avancé ». Le schéma suivant, extrait de la page 25 du CECRL, montre bien cette évolution :

Les 6 niveaux du CECR
CECR 2001, page 25.
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Comment évaluer mon niveau ?

Combien de temps faut-il pour apprendre le français ?

Une petite remarque : ces niveaux ne sont pas égaux. C’est-à-dire que nous ne passons pas le même nombre d’heures pour atteindre et valider le niveau. Dans les différents centres de langues où j’ai travaillé, nous avions l’habitude de considérer ce volume horaire :

  • A1 : environ 60 heures,
  • A2 : environ 120 heures,
  • B1 : environ 180 heures,
  • B2 : environ 250 heures,
  • C1 : environ 400 heures, ou plus,
  • C2 : environ 600 heures, ou plus.

 

Ce nombre d’heures peut d’ailleurs varier considérablement d’une personne à l’autre, et dépend de plusieurs facteurs :

  • si la « langue cible » (la langue étrangère apprise) est linguistiquement proche ou éloignée de la langue maternelle ou d’autres langues déjà maîtrisées,
  • si la personne a déjà appris une ou plusieurs autres langues étrangères : plus on apprend de langues, plus ça devient facile 😉,
  • le niveau de motivation et d’implication personnelle.

 

Cela veut-il dire que tu dois étudier pendant plus de 1000 heures pour pouvoir parler le français ? Non ! Tout dépend de ton objectif. Si tu veux faire un voyage dans un pays francophone et tu veux pouvoir communiquer, partager des petites choses avec les gens, un niveau B1 est probablement suffisant. Si tu utilises le français dans ton travail, ou pour faire des études, peut-être qu’il serait mieux de pousser l’apprentissage jusqu’au niveau B2. Cela dépend vraiment de ce que tu souhaites faire avec la langue française.

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Pourquoi pas une échelle régulière ?

Le CECRL ne répond pas à cette question ! Le seul élément de réponse que j’y ai trouvé est que la répartition des niveaux s’est faite à partir de la répartition déjà mise en place dans la plupart des centres de langues en Europe (débutant, intermédiaire, avancé). Probablement pour faciliter la transition vers ce nouveau système.
D’un autre côté, il est plutôt logique que les niveaux ne soient pas égaux. Plus on avance dans l’apprentissage, plus les choses se compliquent, plus il y a de compétences à acquérir, de savoirs à enregistrer … D’ailleurs, l’image suivante est plus représentative de la progression, puisque chaque nouveau niveau englobe le précédent :

page 35 du volume complémentaire de 2018

Les compétences

Les compétences, se sont les aptitudes et capacités requises pour pouvoir communiquer en langue étrangère, se faire comprendre, comprendre ce qu’on nous dit, et pour pouvoir réaliser des « choses » en langue étrangère. Le CECRL propose que les compétences requises pour se débrouiller dans une langue étrangère ne sont pas nécessairement langagières (lire, écrire, parler, discuter, écouter, …) mais aussi d’un ordre plus général (savoir, savoir-faire, savoir-apprendre, savoir-être). Le volume complémentaire du CECRL de 2018 propose le schéma suivant à la page 31 :

Les compétences langagières générales dans le CECR
Volume complémentaire 2018, page 31

Les compétences générales

Pour pouvoir utiliser une langue étrangère, et parce que la communication implique des éléments qui vont au-delà de la linguistique, il peut être intéressant de s’intéresser à des notions de comportement humain et de culture générale.

Le savoir

La langue que nous parlons est intimement liée à une culture ; la culture du pays, de la région, de la communauté dont nous faisons partie. Aussi, lorsqu’on apprend une langue étrangère, il est nécessaire d’ouvrir son esprit à des perspectives nouvelles, d’autres manières de concevoir la vie, les personnes, les relations, le droit, les obligations, l’emploi du temps, les valeurs, les classes sociales, etc.

Le savoir-faire

Le savoir-faire désigne les actions que nous pouvons être amenés à exécuter, comme savoir comment se conduire dans différentes situations sociales, comment effectuer les tâches de la vie quotidienne, les tâches professionnelles, les activités de loisir. Il s’agit aussi de savoir comparer comment se font les choses dans sa culture d’origine et dans la nouvelle culture.

Le savoir-être

Il s’agit ici de prendre conscience de la manière dont nous faisons les choses, qui est liée à notre personnalité, nos attitudes, nos croyances, nos motivations, nos valeurs et notre style cognitif, en un mot : notre identité.

Le savoir-apprendre

Voilà une compétence qui est fondamentale pour l’apprentissage en général mais qui n’est malheureusement pas toujours enseignée à l’école, ou pas de manière suffisamment formelle. Quelques exemples :

  • prendre des notes,
  • lire un texte long en « diagonale »,
  • se motiver,
  • accepter la nouveauté,
  • éveiller sa curiosité,
  • s’organiser, etc.

Les compétences langagières communicatives

Le CECRL en propose trois : la compétences linguistique, socio-linguistique et pragmatique.

La compétence linguistique

C’est, en général, ce à quoi on pense en premier quand on parle d’apprendre une langue étrangère : le vocabulaire, la grammaire, l’orthographe et la prononciation.

La compétence socio-linguistique

On fait référence ici aux notions à connaître et à savoir manipuler quand on utilise la langue dans un contexte social (c’est-à-dire tout le temps 😉) : savoir comment dire bonjour et au-revoir, comment s’adresser aux autres, comment utiliser les exclamations, savoir utiliser les règles de politesse, connaitre un peu de la « sagesse populaire », connaitre les différents registres de langue (formel, informel, standard, …) et savoir les utiliser, etc.

La compétence pragmatique

La pragmatique s’intéresse à la manière dont les messages sont organisés et utilisés. Par exemple, la manière dont est structuré une phrase, un paragraphe, un texte, mais aussi l’utilisation des relations logiques (cause/conséquence, opposition, but, etc.) et le rôle que l’on souhaite donner au « texte » qu’on produit (demander, répondre, informer, démontrer, faire un commentaire, expliquer, refuser, etc.)

Les activités langagières communicatives

Les activités langagière, ce sont les différentes activités que tu réalises pour utiliser la langue, et l’apprendre. Traditionnellement, on pense au fait de lire, écrire, écouter et parler. Mais le CECRL propose une classification un peu différente, et regroupe les activités selon les stratégies mises en place pour les réaliser.

La réception

C’est le fait de recevoir des informations et les comprendre, en écoutant la radio, en regardant la télé, en lisant le journal, en lisant un livre … Nous utilisons des stratégies spécifiques pour la réception, notre esprit recherche continuellement des « indices » qui vont nous aider à comprendre (structure du texte, intonation de la personne qui parle, images, gestes, expression du visage, titres et sous-titres, …).

La production

On parle de production lorsqu’il s’agit de composer un « texte », soit à l’oral (un monologue), soit à l’écrit. Comme par exemple :

  • raconter une histoire,
  • détailler son expérience,
  • rédiger un email,
  • faire une présentation pendant une réunion,
  • écrire un rapport, …

L’interaction

Différente de la production, l’interaction implique que le « texte » qui est produit se fait en collaboration avec une ou plusieurs autres personnes, lors d’une conversation en face à face ou sur les réseaux sociaux par exemple. Nous devons alors être attentif à de nombreux éléments, comme savoir quand prendre la parole, la laisser, réajuster son propos et son attitude suivant les réactions des autres. Dans l’interaction, on mélange un peu les stratégies de réception et de production, ou bien elles se déploient de manière rapide et quasi simultanée.

La médiation

Quand nous sommes médiateur, nous sommes l’intermédiaire entre l’émetteur de l’information et le récepteur. Encore une fois, la médiation fait appel à des stratégies spécifiques, parce que nous transmettons une information qui n’est pas la nôtre au départ :

  • présenter des faits et expliquer des chiffres lors d’une présentation de travail,
  • résumer un article de journal, ou l’email d’un ami,
  • traduire le propos d’une personne au bénéfice d’une autre personne, parce que les deux ne parlent pas la même langue,
  • essayer de résoudre un conflit entre deux personnes,
  • résumer, analyser, critiquer un film ou une oeuvre d’art, …

L’approche actionnelle

Maintenant que nous avons fait le tour des compétences à acquérir lors de l’apprentissage d’une langue étrangère, comment faisons-nous pour nous organiser ? Par où commencer ? Le CECRL apporte une réponse à ces questions en proposant une « méthode », une manière d’aborder l’apprentissage nommée l’approche actionnelle. Le mot « actionnelle » est choisi pour souligner le fait que la personne qui apprend la langue est considérée comme « actrice sociale » qui doit réaliser des tâches, pas uniquement langagières. En gros, il s’agit de faire des choses avec la langue, ou avec l’aide de la langue. La langue n’est plus considérée comme le but de l’apprentissage (quoique, si tu souhaites apprendre le français juste parce que tu aimes la langue, c’est un objectif tout à fait admirable 😉), mais comme un moyen comme un autre pour atteindre un objectif.

Par exemple, imaginons que tu aies besoin, pour ton travail, de faire une présentation sur les mesures du gouvernement suisse pour la protection de l’environnement. Voilà donc ta tâche, ce que tu dois réaliser ! Que vas-tu avoir besoin de faire pour mener à bien cette tâche ?

  • faire des recherches sur les mesures (réception, savoir-apprendre),
  • préparer ton analyse et tes commentaires sur les informations trouvées (médiation, linguistique),
  • structurer ton propos (pragmatique),
  • préparer la présentation à l’aide d’un outil numérique (savoir-faire),
  • faire la présentation (production, savoir-être),
  • répondre à des questions (interaction).
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Comment élaborer une tâche ?

L’évaluation

Le chapitre 9 du CECRL (2001) détaille de manière plutôt complète les différentes formes d’évaluation qui peuvent être utilisée pour mesurer les progrès, déterminer l’atteinte d’un objectif et re-préciser les objectifs en cours d’apprentissage.
Ce qui va surtout nous intéresser sur ce blog, c’est la possibilité pour toi de t’auto-évaluer. Je consacre un article à ce sujet : 9 techniques d’autoévaluation.

Voilà donc un résumé de ce qui entre en jeu lorsqu’on apprend une langue étrangère. Tu te sens bouleversé.e, écrasé.e, submergé.e par la montagne de choses à apprendre ? Sache que tu n’as pas besoin de tout apprendre, de tout savoir … Tout va dépendre de tes objectifs, et de ce que tu souhaites réaliser.

C’est l’avantage de changer de perspective : par le passé, on a considéré que « apprendre une langue », ça voulait dire apprendre la grammaire et le vocabulaire de manière systématique. Avec l’approche actionnelle, on réalise qu’on ne peut pas connaître une langue de manière totale, sauf si on est prêt à y consacrer une vie entière ! Et surtout, ce n’est pas nécessaire. On peut très bien communiquer, se faire comprendre et partager des choses avec un niveau B1. Et pour cela, il faut se connaitre, savoir identifier nos besoins, et savoir identifier les choses nécessaires pour atteindre un objectif.

Que penses-tu de tout ceci ? Réagis et laisse un commentaire 💬

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